Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lart
Publicité
Archives
4 octobre 2005

Chimères

Voici un nouveau texte de ma création, assez particulier par rapport à mon style d'écriture habituel.
C'est un texte en prose, très court, pour lequel je me suis très librement inspiré du style de Louis Calaferte (Je dis bien "très librement").
Je posterai ensuite un message sur Louis Calferte et, par prolongation, sur Romain Humeau. Ces deux messages seront respectivement répertoriés dans les catégories littérature et musique.

Cerné de tous les côtés, les briques lui entaillaient les bras jusqu’au sang. Un léger sifflement lui vint du dessus… Répété et régulier. Un cri. Un de ceux qui vous arrivent par hasard et vous laisse une sensation de manque dans le crâne quand il s’en va. Un de ces cris qui vous donne la migraine pendant des heures, d’interminables heures, jusqu’à ce que vous vous claquiez la tête contre les murs afin de savoir enfin d’où vient cette douleur qui vous prend et vous transporte dans des trous sans fond. Cette piqûre derrière la nuque qui vous crache son venin incandescent.

« Regarde.

- Qui ? demanda Matt.

- Tu la vois venir, la chimère ? Toute ouverte ? Pelage au vent ? Tu le sens venir son baiser sur tes lèvres ? Tu le sens déjà te brûler de la bouche au cœur ? Sa lave te couler le long de la gorge et te ronger corps et âmes ?

- Oui je sais déjà tout cela. Mais je m’en fiche. Mes pieds et mes poings sont déjà liés à la pierre qui m’entraîne par le fond. Il n’y a plus rien à faire, plus rien à espérer, plus rien à envier. Regarde mon corps ce qu’il est… Il n’attend que de se faire dévorer. Je ne sens déjà plus sa main sur ma peau… Chimère, commence par me ronger les tripes car c’est de leur fond que tu me viens.

- Tu as l’intention de la laisser te déchiqueter bout à bout ?

- Je suis déjà déchiré… Quelle différence ? Aucune sûrement. Si ce n’est qu’elle m’accompagnera au moins jusque là. Une mort lente et douloureuse, juste pour me sentir vivant une dernière fois. Pas d’espoir, pas de faux espoir. Plus rien. Juste cette souffrance, ses coups de bec dans ma chair, et ces petits picotements qui me monteront le long des jambes.

- Le moment venu, tu prendras peur.

- Non. Je n’aurai plus jamais peur. Mais je tremblerai, oui. Je tremblerai de douleur…. Mais  je tremblerai aussi de plaisir. Du plaisir de n’avoir connu qu’elle. Du plaisir de l’avoir connue à la fin.

- Non, tu ne l’auras pas. Tu ne l’auras pas elle. Ni aucune autre. Va ! Va-t-en vite ! Elle arrive, la perfide… Elle te chante des louanges pour que tu l’attendes. Ecoute-la chanter son plaisir immonde.

- Je n’entends plus. Je n’entends plus que ma douleur depuis longtemps déjà. Elle me dévore elle aussi. Regarde ce sang. Il n’a pas attendu ta chimère pour couler. Regarde ces griffes sur ma peau. Elles n’ont pas attendu ta chimère pour se dessiner. Regarde ces morsures… Elles n’ont plus n’ont pas attendu. Que reste-t-il à attendre ? Rien. Je me suis déjà dévoré moi-même. Je n’attends plus que d’être dévoré par elle. Par elle comme par toutes. Mais c’est par elle que je le veux.

- Et à peine t’auras-t-elle arraché les yeux…. Car c’est par là qu’elle commencera. Elle t’éborgnera et boira tes larmes dans l’autre œil. Puis se délectera de ton sang en te prenant le deuxième. Mais avant même de t’avoir pris la bouche, de t’avoir coupé le souffle, les vers s’empareront de toi…. Les vers du remord. Des parasites à la dent dure. Elle, ce qu’elle veut, c’est te garder entre ses dents jusqu’à ce que l’odeur de ta mort l’écoeure. Eux s’en foutent. Elle voudra garder au moins un bout de toi, comme un trophée, un souvenir. Eux s’en foutent. Eux, dès que ton sang aura coulé une première fois, quand tu la sentiras contre toi et que tu t’abandonneras totalement, commenceront leur funèbre dessein. Ils te boufferont le cœur avant même qu’Elle n’ait pu le voir. Eux ne laisseront rien de toi. Eux te rongeront jusqu’à l’os. Si ce n’est qu’à elle que tu veux te donner, ne te donne à personne. Si tu te donnes ainsi tu sèmeras les graines d’un mal plus grand encore.

- Que dois-je faire alors ? Pour ne pas souffrir ? Jamais.

- Tu ne veux jamais souffrir ? Très bien. Creuse d’ores et déjà ta tombe et couche toi dedans. Recouvre toi de terre, abîme tes ongles sur des pierres inutiles, abandonnées là par ceux qui avaient mieux à faire. Et attend. Elle ne te trouvera pas. Non, ne t’en fais pas. Reste là jusqu’à ce que tu meures. Que tu meures, oui. Mais sans souffrances. »

Peu de temps plus tard la chimère vint se poser, lubrique, toutes jambes écartées et cracha sur le sol.

« Quelle belle vie tu auras eu, grogna-t-elle »

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité